samedi 6 juillet 2013

Test de la vente des médicaments en ligne



Donc c’est fait.
En l’état actuel des choses, des milliers de médicaments à prescription médicale facultative sont disponibles en ligne. Qu’ils soient remboursables ou non par la sécurité sociale.
Allez comprendre quelle mouche a piqué Mme. Marisol Touraine ?
Et certains (la majorité ?) pharmaciens peuvent crier au scandale, rien à faire. Les petites pharmacies ne voient que leurs soucis augmenter.

J’ai, moi aussi, voulu essayer ce système, les risques, l’efficacité. Très objectivement.
Pour cela, je me suis rendu sur le site de la pharmacie de « caennard » qui a perturbé le modèle classique, auquel j’étais rattaché.

L’identification est parfaite : il y a l’adresse postale, le numéro de téléphone, les horaires d’ouverture, numéro d’enregistrement à l’Ordre des Pharmaciens, l’ARS et le site est sécurisé.
D’entrée, on me signale que la livraison se fait en 48h, sous réserve de disponibilité en stock, et pour 5,00€ TTC. C’est déjà une bonne chose. Ce qui limite déjà l’intérêt de commander pour avoir un bon prix, sauf si je me fais une liste de courses.
Rappelons que les prix de vente des médicaments doivent être les mêmes en ligne et à la pharmacie. Formulé autrement, le coût de la livraison, l’enveloppe, le temps consacré à la préparation est évalué à 5,00€ TTC.

La liste des courses, ça tombe bien. J’en ai une !
On va donc décrire le patient,  un homme de 55 ans, 70kg, 1,77m, asthmatique, diabétique, et hypertendu. Type de patient qu’on peut rencontrer souvent à la pharmacie d’officine.
Mettons comme traitement la Metformine (un antidiabétique oral), le Ramipril (un antihypertenseur) et ponctuellement la Ventoline (vous le connaissez sûrement celui-là).

Donc notre patient est arrivé sur ce site.
C’est déjà une bonne chose qu’il soit arrivé sur le site d’une vrai pharmacie.
Car le 1er problème est le risque d'acheter des médicaments de contrefaçons. Je ne m'attarderai pas sur cette partie là, bien qu'elle soit elle-même très importante.

Voici donc sa liste de course.
Il veut acheter :
-          Du Néo-Codion pour sa toux sèche
-          Du Codoliprane pour ses migraines
-          De l’Ibuprofène et du Paracétamol en lyoc pour son arthrose.

Patient classique, demande classique. Peut-être pas tout cela en même temps, quoique…
Au moment de commander le premier médicament, et avant même de m’identifier, on me fait signer une « décharge » : « J’ai lu la notice et je connais parfaitement ce médicament ».
Je ne lis même pas le 2ème point en pensant que ça annulerait la commande.
En fait, pas du tout. Il est bien possible d’avoir des renseignements supplémentaires :
« J’ai lu la notice mais je souhaite des conseils sur le médicament. »

La notice n’est pas très longue, et toutes les précautions à prendre par rapport aux traitements sont indiquées. Par exemple, dans le cas du Neo-Codion, les contre-indications suivantes sont mentionnées : « toux chez l’asthmatique, insuffisance respiratoire ». Mais qu’est-ce que c’est l’insuffisance respiratoire ?
En précautions d’emploi, il est mentionné que le sirop apport « 8,7g de saccharose par cuillère à soupe ». Cela semble plutôt assez clair.

Bien évidemment j’ai accepté la « décharge » sauf pour la Prontalgine.
Donc ma commande, je vais la bloquer à cet instant pour avoir plus d’informations sur ce médicament. Ou plutôt sur une de ces contre-indications. Je ne comprends toujours pas, en tant que patient, ce qu’est « l’insuffisance respiratoire ».
5h 20mn plus tard, bingo, je reçois la réponse à ma question :


 « Bonjour,
c'est une maladie du système respiratoire qui ne permet pas une bonne oxygénation du sang.
Cordialement »

Génial ! Me voilà bien avancé… Enfin, bref…
La réponse vient d’un pharmacien. Et après vérification, je confirme : c’était bien la signature d’un pharmacien adjoint.
On me demande une confirmation si la réponse est satisfaisante…
Allons-y. Continuons… On verra bien ce que ça donne. « Je suis satisfait et je clos la discussion »

Bon, jusque là, c’est des bricoles…
Il me faut valider maintenant les informations sur mon âge, mon sexe, ma taille et mon poids.
C’est fait.
Puis mes antécédents médicaux et mon traitement.
Je le fais minutieusement… Et puis je fais un « copier-coller » beaucoup plus simple, parce qu’il faut le compléter pour chaque médicament. A ce moment là, j’ai une bonne impression… Je sens que la pharmacie va sentir le « fake » ou tout du moins bloquer ma commande car il y a plusieurs points qui doivent être évoqués…
Mon dossier n’est pas encore payé et on me signale alors : « Vous recevrez un mail lorsque votre commande sera débloquée par nos pharmaciens. »

2h plus tard, je reçois un courriel.
Que va-t-elle me dire ?
« Honte à vous de vous moquer ainsi de nous ? »
« Nous bloquons votre commande en raison d’un risque pour votre santé. »
« Veuillez nous rappeler en mentionnant le numéro de votre commande. Nous souhaitons nous entretenir avec vous. »
« La répôôônse D »



Non. A vrai dire, rien de tout cela.
« Bonjour
Lors de la passation de votre commande, vous avez demandé des conseils sur des médicaments à nos pharmaciens.
Ayant approuvé leurs conseils, vous pouvez dès maintenant accéder au règlement de votre commande grâce au lien ci-dessous. ».

Je cours alors payer la modique somme de 15,47€ !
[Attention, là, je vais vous la jouer mode UFC-Que Choisir : je les ai payé de ma poche. Et à aucun moment, je n’ai fait intervenir la sécurité sociale, ni la mutuelle !].

Eurêka ! Au bout de 8h, ma commande est validée. Je devrais la recevoir sous 48h.
Au passage, en vrac, vu qu’aucun point n’a été évoqué par la pharmacie, signalons quelques uns. Je vous mentionne la gravité à « mon échelle ». Discutable bien évidemment.
1.       Le sirop était sucré mais je n’ai pas reçu d’alternative d’un sans sucre. Le fait qu’il soit sucré avait été mentionné initialement. Sur une courte durée, ce n’est pas dramatique… Mais dommage d’anéantir les efforts d’un patient.
2.       La dose totale de codéine remise au patient dépasse la dose maximale exonérée. C’est-à-dire qu’en théorie, une telle dose ne peut être attribuée au patient, en une vente. En pratique, une petite explication, du moins sur la redondance de la codéine aurait été la bienvenue. Car tout patient n’est pas DCI-ste. Bref il ne connaît pas forcément la composition du médicament, le nom "scientifique" même s’il en connaît l’utilité.
3.       Le patient peut encore tousser un petit moment si c’est le Ramipril qui le provoque. En effet, c’est un effet indésirable bien répertorié du médicament. Et à ce moment là, il aurait été plus raisonnable de consulter un médecin. Enfin, espérons que ce soit cela. Car il est tout aussi bien possible que ce soit :
4.       Une toux chez l’asthmatique…  Qui contre-indiquerait la codéine !
5.       L’Ibuprofène chez un patient qui signale être diabétique, et traité respectivement par Metformine et par Ramipril… On a un gros risque d’insuffisance rénale aigüe (entre autres).
6.       Sans oublier la potentielle redondance de Paracétamol et les risques hépatiques… Le surdosage pouvant être fatal.

Voici donc un petit résumé des points indispensables à aborder avec le patient.
Ce n’est en aucun cas une liste exhaustive.
Et bien qu’il soit difficile de revoir à chaque fois tous les points, le patient en connaissant souvent déjà quelques uns, je pense qu’il est inadmissible qu’une telle demande soit passée aussi facilement.

Bref, si je devais noter, ce serait 3/20.
Je vous rappelle que la pharmacie à laquelle je fais référence est leader dans ce nouveau marché. Que son titulaire revendiquait fièrement ses idées lors des salons de l’officine et même à la télévision.

Pour moi, il reste un « caennard » qui n’a fait que provoquer la dégradation d’un système déjà affaibli.
Les marges continuent de baisser pour les médicaments remboursables (peut-être que je vous mettrais un article là-dessus ce mois-ci), pourquoi casser les prix sur les médicaments où les autres pharmaciens gagnent leur vie ? Pour gagner combien ?
Est-ce rentable de proposer ce type de service pour 5€ ?

Et surtout le patient, est-ce vraiment un patient ou un client consommateur ?

Qu’en est-il de sa santé ?

Qui est le véritable gagnant de cette histoire ?

Edit: Vous êtes nombreux à lire cet article.
Donc je souhatais bien préciser que la commande a été annulée par la pharmacie le lendemain...
Les détails ici:

 


vendredi 5 juillet 2013

Ne passez pas à un doigt du diagnostic


[Je précise avant toute chose que certains points de cet article sont à prendre au second degré. D’autres sont très sérieux… Je vous ai mis certaines références.]

Et bam ! La nouvelle est tombée !
Un nouveau pavé dans la mare.
Désormais, le pharmacien n’a plus à se contenter de la dispensation des médicaments.
La sécurité sociale ayant décidé de faire une grande partie des économies sur le médicament [1], elle a décidé de donner une maigre compensation dans un premier temps par l’intermédiaire des interventions pharmaceutiques. Je vous passe les détails, j’en ai déjà parlé ici-même (AVK, asthme…).

Puis, elle s’est dit : « Tiens, tiens, ils ne doivent pas être bêtes les pharmaciens… Mettons donc quelques petites missions… La rémunération, on en discutera après, mais balançons déjà des petites missions : test capillaire d’évaluation de la glycémie, test oro-pharyngé d’orientation diagnostique des angines à streptocoque du groupe A, et test naso-pharyngé d’orientation diagnostique de la grippe. [2]   

Gros problème pour les pharmaciens, comment voulez-vous trouver un « emplacement de confidentialité » dans certaines pharmacies ? Et puis surtout, c’est quoi ce « test naso-pharyngé d’orientation diagnostique de la grippe » ? Encore pour refiler du Tamiflu® que nous a laissé Roselyne Bachelot ?

Certains pharmaciens sont prêts à relever aujourd’hui ce nouveau défi.
Mais les médecins ne voient pas tout cela du même œil… Bah oui, prise en charge globale, suivi et toussa… [3]

Mais j’ai engagé une équipe de choc pour vous expliquer l’importance du dépistage du diabète.
Cette équipe, vous la connaissez probablement. C’est celle qui avait posé pour un dépistage systématique du cancer de la prostate…De toutes façons, la Haute Autorité de Santé ne le préconise pas... C'est fini. [8]

J’ai repris la même équipe mais il manque l’élément majeur de ce système : le médecin traitant, souvent un médecin généraliste… J’ai voulu l’inviter pour cette reprise de photo ce matin mais il n’a pas pu venir… La faute à ce patient qui est venu au dernier moment pour son angine et ce test dit « TDR » qui l’a bloqué pendant 7mn, sans oublier toute la paperasse… Il s’en excuse mais soyez-en rassuré. C’est celui qui reste le plus proche de vous et il peut en assurer la prise en charge intégralement dans beaucoup de cas… Bref en attendant, voici la campagne choc que je vous propose :





Le diabète, si vous voulez une information dessus je vous conseille ce petit article d’Allodocteurs qui résume pratiquement tout [4]. J’en viens aux points les plus importants.
Rappelons donc que cette pathologie touche 3 000 000 de personnes en France dont environ 600 000 qui s’ignorent.

Le médecin généraliste s’excuse à nouveau de son absence car c’est LUI le premier recours.
Par ailleurs il n’y a pas de femme. Je n’ai aucune excuse pour cela car le diabète touche aussi bien les femmes que les hommes… Un peu plus les hommes mais bon… [5].
Le diabète peut se dépister par un test capillaire de la glycémie. Comme ces médecins vous le montrent, c'est au niveau du doigt... Enfin pas l'index mais bon, c'est tellement classique de le montrer comme cela... Éviter quand même. [7]
Bien évidemment, en premier je me suis attaché au seul et unique Michel Cymes, acteur majeur de la santé publique et à Christian Guérin, producteur du Magazine de la Santé.
Certains urologues ont gentiment accepté l’invitation et tous ces médecins ont baissé leurs pantalons. En effet, les symptômes ne se voient pas de suite. Une forte soif, une émission abondante des urines (vous avez compris la photo ?) ou un amaigrissement doivent vous alerter, tout comme des infections de la peau, à répétition.

Le traitement de première intention du diabète c’est la Metf… Popopopo !!!
Je reprends, le traitement de première intention du diabète c’est les mesures hygiéno-diététiques. Le mot d’ordre est donc de limiter la consommation des produits sucrés, gras. Pas de tabac, la bière c’est pas terrible… Je ne vous dis pas tout, il faut quand même que je conserve mon job, ne serait-ce que pour donner des conseils à la pharmacie !
Je ne sais pas si vous avez compris ce point là. J’ai dis « PAS DE TABAC ».
J’ai aussi invité un médecin du sport. Après l’alimentation, ce qui est important, c’est d’avoir une activité physique adaptée…
Je remercie le gynécologue d’être présent à mes côtés pour vous rappeler qu’il existe dans certains cas un diabète dit « diabète gestationnel ».
Les addictologues viennent me rappeler qu’il est important de changer certaines habitudes pour tout le monde. De se remettre en question, et cela, même si on n’est pas diabétique…
Bien évidemment, le diabète en soi c’est une chose… Les complications c’est une autre chose. Le spécialiste de la douleur peut vous en parler longuement dessus. Enfin, brièvement ça peut faire très mal comme il peut ne plus y avoir de douleurs du tout… Notamment la perte de sensibilité au niveau des pieds, que les diabétiques doivent déjà surveiller par eux-mêmes.

Je n’ai pas trouvé de cardiologue, de néphrologue et d’ophtalmologiste. Mais oui, les complications les plus importantes c’est au niveau des vaisseaux, donc il y a le cœur, les reins, les yeux, les pieds… (Bien que la maladie soit silencieuse). Enfin, la prévention permet d’éviter bien des complications.
Au cas où je ne vous aurais pas encore parlé de tabac, euh… Vous m’avez compris.

Enfin, le diabète est une maladie chronique... Si besoin, il faut en parler. J'ai donc sous la main un psychologue et un... proctologue... Désolé... La faute à ce fichu "TDR".


Vous connaissez désormais l’essentiel sur le diabète. Si le dépistage est indispensable à un certain moment, la prévention l’est encore plus.

[NB : J’ai oublié de vous dire que le dépistage se fait généralement à jeun, que ce soit à la pharmacie ou ailleurs. Ne venez pas à 10h, après le petit déjeuner.]
[NB 2 : Ces nouvelles missions, on n’en connaît toujours pas la rémunération…]
[NB 3 : En pharmacie, on n’appellera pas cela du diagnostic… I-N-T-E-R-D-I-T ! Et surtout pas avec avec un test capillaire de la glycémie. C'est le boulot du médecin.]







[7] http://www.soins-infirmiers.com/glycemie_capillaire.php   

[8] http://www.has-sante.fr/portail/jcms/c_1238094/fr/depistage-du-cancer-de-la-prostate-par-dosage-du-psa-interet-non-demontre-chez-les-hommes-presentant-des-facteurs-de-risque

jeudi 4 juillet 2013

Fin du jeu




Avant tout, rappelons l’article initial si vous l’avez raté : http://ami89-pharma.blogspot.com/2013/07/test-de-la-vente-des-medicaments-en.html
J’admets avoir été un gros troll là-dessus… Sceptique et curieux de savoir si ça allait passer.
Je n’ai rien contre la pharmacie en soi, qui profite d’une législation souple. Les mots d’ordre restent le « patient » et les « soins ».
C’était gros quand même… Beaucoup trop gros pour pouvoir passer puisqu’aujourd’hui à 16h j’ai reçu un appel de la pharmacie. Elle m’a laissée un message pour me dire que ma commande a été annulée, le « Néo-Codion étant contre-indiqué chez l’asthmatique ». Ce n’est pas faux.
Il n’y a évidemment pas moyen de savoir si le fait d’avoir posté trop tôt a eu un impact sur l’envoi de la commande puisque j’avais déjà reçu une « confirmation de commande. »
Le seul élément (qui joue en leur faveur) est le fait que je n’ai pas reçu un numéro d’envoi par « Colissimo »… Un dernier contrôle qui aurait mis en évidence la contre-indication évoquée ?
C’est bien possible…

En tout cas, là, la santé du patient n’a pas été mise en danger…
La pharmacie a bien joué son rôle au dernier moment. Et c’est tout là l’enjeu de notre système de soins. Si vous êtes un patient, et commandez vos médicaments par internet, j’espère que vous aurez là les éléments nécessaires pour prendre vos précautions.
Car oui, il est possible que votre pharmacien à 3mn de chez vous coûte plus cher pour certains médicaments. Oui, votre pharmacien est aussi un commerçant, la règlementation en a voulu ainsi. Mais au moins vous êtes garanti de la composition de vos médicaments et vous pouvez obtenir généralement les informations nécessaires à la mise en place de votre traitement très rapidement.

Un dernier mot sur vous voulez en savoir plus sur l’ « E-pharmacie : les conditions de vente de médicaments sur internet » en vigueur le 12/07/2013 : http://www.journaldunet.com/ebusiness/expert/54685/e-pharmacie---les-conditions-de-vente-de-medicaments-sur-internet-enfin-precisees.shtml